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Comment se libérer du vertige
Patrick Thias Balmain
EXTRAIT Introduction
« Je ne peux pas monter en haut de la tour Eiffel ! J'ai le
vertige ! »
« Mon vertige m'empêche d'aller en montagne, de skier. »
« Je ne peux pas passer un col en voiture. »
« Pour ma part, je ne peux pas passer sur un pont en voiture si je suis au volant ou
tout simplement les yeux ouverts. »
« Moi, ce sont les tunnels ! »
« Monter debout sur un tabouret m'est impossible. »
« Je ne peux pas regarder par la fenêtre de mon bureau. »
« J'angoisse à la seule vue de personnes, que je ne connais même pas, qui
s'approchent du bord de la falaise ou qui décollent en parapente... »
« Juste de parler du vide, j'ai des picotements dans les jambes et les mains
moites. »
« J'ai peur de tomber ! »
Combien de fois ai-je entendu ce type de réflexions ? Lorsque j'ai décidé de
commencer ce travail en profondeur sur le vertige, je me suis rendu compte du
nombre incalculable de personnes touchées par ce phénomène psychologique.
Il est peut être bien de préciser, avant d'aller plus loin, qu'il y a différents types de
vertiges correspondant à différentes pathologies ou phobies.
Je me contenterai, dans cet ouvrage, de parler du vertige d'ordre psychique, le
vertige dit des hauteurs. Les problèmes mécaniques de l'oreille interne, de troubles
de l'équilibre liés à un accident, aux effets secondaires d'un médicament ou encore à
ce qu'on appelle les vertiges, relèvent de la médecine et ne sont pas le propos de cet
ouvrage.
J'ai été depuis longtemps confronté au vertige de par mes activités et ma
profession. Je suis moniteur de ski et accompagnateur en montagne. Je pratique ou ai
pratiqué la montagne et un grand nombre de sports de glisse dans ou sur différents
éléments : eau, air, neige, rocher, le deltaplane, le parapente, la plongée sous-
marine, le saut à l'élastique, le rap jumping, l'escalade et par conséquent, j'ai dû
utiliser les remontées mécaniques aériennes. Malgré cela le vertige est une sensation
qui a toujours été présente en moi, sans parler des sensations d'être absorbé par le
vide, d'être englouti par l'espace d'une grande place vide, l'oppression causée par un
tunnel trop long... J'ai appris à les connaître, à les dompter, jusqu'au jour où j'ai
compris que le vertige est un allié pour celui qui sait l'interpréter.
De par mes activités, j'ai souvent été au contact de gens qui bloquaient face au
vide. J'ai de ce fait pu voir les symptômes communs à la plupart d'entre nous, jusqu'à
ce que je rencontre Jean-Pierre qui manifestait, pour un skieur, un mal aigu. Je
précise pour un skieur, car en général, les gens sujets au vertige aigu ne viennent pas
jusque dans les Alpes et encore moins sur les pistes et dans les télécabines. Mais lui,
si ! Il voulait dépasser sa peur. Il prit une heure de cours et me prévint qu'il était sujet
au vertige, surtout dans les remontées mécaniques et plus précisément les remontées
ouvertes de type télésiège. Quand on prit les « oeufs », cabines fermées comme son
nom peut le laisser imaginer, il commença par mettre ses lunettes de soleil sur les
yeux puis son bonnet qu'il enfonça par-dessus les lunettes. L'angoisse monta peu à
peu, ce qui faisait sourire sa compagne. Elle devait penser que je trouvais la situation
cocasse voire ridicule. Ses mains s'agitaient de toutes parts. J'avais en face de moi un
cas rare chez les skieurs même débutants. Je me mis au travail et dès la première
séance les résultats furent inespérés. Il revint le lendemain pour trois heures de ski et
cette fois il pouvait voyager en cabine les yeux ouverts et le corps relâché. Après
cette séance, il m'invita avec insistance à faire connaître ma méthode au plus grand
nombre à travers un ouvrage et des stages. Ce qui ne devait être qu'un chapitre du
livre que j'étais en train d'écrire concernant la marche, prenait au contact de Jean-
Pierre une autre dimension, toute sa dimension. Jean-Pierre me rappela qu'un grand
nombre de personnes comme lui étaient désemparées, souffrant de ce mal négligé par
la médecine et que si quelqu'un pouvait les aider à sortir de cette phobie, il devait
faire connaître sa méthode.
J'acquiesçais et me mis dès le printemps venu à la rédaction de cet ouvrage.
Au fur et à mesure de mes recherches, des souvenirs en lien avec le sujet ont
ressurgi de ma mémoire d'enfant. Je suis issu d'une famille de montagnards, éleveurs-
producteurs. Pour la durée de l'été, mes grands-parents emmenaient les troupeaux à
l'alpage. Le chalet de Prabel se trouvait à environ deux mille mètres d'altitude et pour
s'y rendre nous devions passer par un chemin qui, sur une centaine de mètres, était
bien escarpé. Ce passage s'appelle le Maupas. Comme son nom l'indique, pour
rejoindre les beaux prés de Prabel, il faut passer par le Maupas, passage ou un
mauvais pas peut être fatal. Ma grand-mère, qui craignait ce passage, nous avait, dès
notre plus jeune âge, raconté une légende qu'elle tenait de sa grand-mère, qui lui
avait été contée par sa grand-mère et ainsi de suite... La gorge profonde que
surplombait le Maupas, abritait sous sa magnifique cascade aérienne, dans une grotte,
une vieille sorcière qui contrôlait le passage. Cette sorcière avait un incroyable
pouvoir. Si quelqu'un s'approchait trop près du bord, elle sortait de sa grotte, l'attirait
dans le vide par un simple mouvement de ses mains et l'emportait dans son antre,
pour ne jamais le revoir. L'effet sur les enfants était garanti. Pour ma part, ma
curiosité l'emportait et je voulais la voir car elle me fascinait. Entre peur et désir, je
souhaitais en savoir plus mais n'osais aller plus avant. Je compris assez vite que cette
légende était un garde-fou pour les enfants imprudents et c'est tout récemment que
j'appris qu'en Inde on considère que l'émotion ou encore le vertige sont comme des
entités extérieures à soi à qui nous devons rendre leur liberté. La sorcière est le vide
et ses bras, le vertige qui emporte. En réalité ce ne sont que des représentations pour
nous mettre en garde contre nos propres projections.
En tout cas, l'effet était bien présent en moi. Était-ce un héritage culturel ?
Familial ? Une peur ancestrale ? Archaïque ? Peu importe, elle était belle et bien là.
Je me suis retrouvé plusieurs fois dans des situations scabreuses où mon cerveau ainsi
que mon corps ne réagissaient plus à mes ordres. J'avais l'impression d'être habité par
une autre entité qui ne souhaitait que ma perte. Vers l'âge de vingt ans mes phobies
dépassaient le cadre du vertige des hauteurs. Une grande place vide m'absorbait, une
baie vitrée au dixième étage m'attirait alors que j'étais sur le canapé de l'autre côté
de la pièce, un tunnel un peu long m'oppressait... Peu à peu j'ai essayé de comprendre
ce qui se passait en moi. Lorsque j'approchais du vide, mon corps se tendait avec tout
un lot de sensations et d'impressions bizarres.
Ce n'est pas facile d'être l'observateur de soi-même quand vous êtes en situation de
danger. Je me souviens d'un jour où j'étais sur un télésiège quand subitement la
hauteur me paralysa. Le vertige, dans ces moments-là, produisait en moi un tel
trouble que je me sentais le devoir de sauter du siège. Mais la raison l'emportait. Je
ne voulais pas mourir ! Alors un combat intérieur faisait rage. Que d'énergie dépensée
pour peu de chose ! Et pourtant ! C'était ma réalité ! Mais ce jour-là je réussis à être
attentif à mes tensions physiques. Je poussais avec mes pieds le repose-pied et
poussais avec mon dos le dossier du siège. De ce fait, mon postérieur ne touchait plus
le siège. Arc-bouté comme cela, je ne pouvais pas bien vivre la situation. Je pris
conscience que si je ne reposais pas correctement sur ma base, je ne pouvais pas
relâcher mes tensions et par conséquent, je ne pouvais pas retrouver ma lucidité. Je
m'appliquai à cela et subitement le trouble s'envola. En agissant sur mon corps, j'avais
libéré mon esprit.
Ce jour-là, un pas avait été franchi.
Lors de l'écriture de mon premier livre, La glisse intérieure, j'ai abordé la relation
au vide, à l'environnement. Cette recherche sur les sports de glisse m'a conduit vers
l'étude des arts martiaux et des spiritualités du monde. Pour bien glisser, il faut bien
se connaître, bien habiter son corps et communiquer de manière saine avec la nature.
Ce long cheminement m'a ouvert de nouveaux horizons. Intérieurs cette fois !
Ces expériences m'ont appris à gérer le stress lié au vide. Je ne m'en suis pas rendu
compte tout de suite, mais mon rapport au vide et à mes phobies se modifiait peu à
peu. Aujourd'hui, je peux en parler avec détachement et il m'est facile de replonger
dans les sensations de l'époque où je ne maîtrisais pas les phénomènes qui se
passaient en moi. Grâce à tout cela, j'ai pu élaborer cette méthode. Par ce travail, la
transformation de mon être a été profonde et intime. Le rapport au monde, aux gens,
à moi-même, a véritablement changé.
Quel est le plus beau cobaye que soi-même lorsque celui-ci manifeste les
symptômes du vertige ?
La solution ?
Je l'ai trouvée par un cheminement intérieur, par une nouvelle façon de me placer
dans mon propre corps, par une manière différente de recevoir et d'interpréter les
données visuelles et kinesthésiques.
C'est ce chemin que je vous invite à faire en vous, sans mise en danger physique,
mais par une reconquête du corps, des sens et de leurs signaux.
Dans la première partie de cet ouvrage, je présente ce qu'est le vertige, comment
il se manifeste en nous. Dans la seconde partie, comment fonctionne notre regard sur
le vide, puis, dans la dernière, comment faire pour sortir du processus erroné dans
lequel nous nous sommes enfermés inconsciemment. À la fin de chaque chapitre, vous
trouverez un rappel en quelques lignes du sujet abordé et à la fin de l'ouvrage un
recueil d'exercices présentés et mis à votre disposition pour avancer sur le chemin de
la libération de cette phobie.
Ce livre est avant tout un manuel pratique pour vous aider à vous libérer de vos
blocages. Il est évident que rien ne remplace un stage au contact d'un professionnel.
Si votre trouble est trop grand, une présence est nécessaire, surtout dans les
premières confrontations aux situations difficiles. Malgré tout, la lecture de cet
ouvrage et l'utilisation des exercices cités vous prépareront chaque jour un peu plus à
la libération que vous souhaitez.
Puissent ces quelques pages vous apporter la liberté que ce travail a produit en
premier lieu en moi et aujourd'hui, en mes stagiaires.